PréludeEn 1976, Albert Spaggiari possède un studio de photographie à Nice et une propriété dans les collines surnommée
Les Oies sauvages. Mais il va vite en avoir assez de cette vie monotone, c'est pour cette raison qu'il conçoit et dirige le «casse du siècle» survenu à la
Société Générale de Nice.
L'idée de s'attaquer à cette banque niçoise lui vint après avoir entendu parler de la proximité de la chambre-forte avec les égouts de la ville. Aussi décida-t-il le creusement d'un tunnel qui viendrait aboutir en dessous de la chambre-forte. Pour cela, il alla louer un coffre à la
Société Générale dans lequel il plaça un réveil, réglé pour sonner la nuit. Le but d'une telle manœuvre était de s'assurer de l'absence de systèmes de détection sismique ou accoustique et de guider son travail.
Spaggiari contacta des gangsters professionnels de Marseille. Bien que cela n'ait jamais pu être prouvé, il reçut probablement l'aide de Gaëtano Zampa pour bâtir son équipe à laquelle allaient s'ajouter des anciens amis de l'OAS, avec notamment Gaby Anglade et Jean Kay. Pendant trois mois, une quinzaine d’hommes creusent un tunnel de 8 mètres en passant par les égouts depuis la rivière du Paillon et jusqu’à la salle des coffres de la succursale de la Société Générale. Spaggiari avait prit de grandes précautions pendant ces travaux. Ses hommes travaillaient sans relâche, mais il leur interdisait la consommation de café ou d'alcool et leur imposait des pauses de 10 heures entre chaque relève, pour éviter de compromettre la mission.
Le « casse du siècle »Au cours du week-end du 17 juillet au 19 juillet 1976, 317 coffres sont éventrés : cinquante millions de francs de l’époque s'envolent. Selon certains témoignages, Spaggiari amena à ses hommes dans le coffre du vin et du paté pour fêter leur victoire. Ils trouvèrent dans les coffres des photos dénudées de certaines célébrités locales qu'ils affichèrent sur les murs du coffre pour qu'elles soient vues par ceux qui y rentreraient. Le 20 juillet, avant de partir, Spaggiari laisse un message sur le mur du coffre « Ni armes, ni violence et sans haine ».
L'enquêteDans un premier temps, la police française piétinera dans l'enquête. Mais elle finira par découvrir l'identité des membres du groupe après avoir arrêté un clochard qui avait participé aux travaux, ainsi que Francis Pellegrin et Alain Bournat, qui avaient eux tenté de négocier des lingots provenants du casse. Spaggiari est alors en Asie, où il accompagne Jacques Médecin, en tant que photographe. Arrêté à son retour à l'aéroport, il niera les faits dans un premier temps, avant de les reconnaître enfin. Il choisira pour sa défense l'avocat Maître Jacques Peyrat, membre du Front national et futur maire de Nice. Selon ses dires de l'époque le casse aurait été destiné à financer une organisation politique secrète, la «Catena» (chaîne en italien), qui apparemment n'exista que dans son esprit.
L'évasionAlors qu'il est interrogé par le juge d'instruction Richard Bouaziz, Spaggiari va mettre au point un plan d'évasion. Le 10 mars 1977, après avoir créé un faux document codé qu'il présente comme une évidence, et alors que le juge est occupé à examiner le document, Spaggiari sauta par la fenêtre du bureau du juge et atterrit 8 mètres plus bas sur une voiture garée. Il parvint à s'échapper grace à un complice qui l'attendait en moto. Certains prétendent que le propriétaire de la voiture endommagée reçut par la suite un chèque de 5000 francs, en guise de rembousement. Spaggiari, en cavale, devient le premier bandit médiatique.
Des journaux de gauche affirmèrent que Spaggiari avait bénéficié d'aides parmi ses amis hommes politiques, et en particulier de la part de l'ancien militant de l'OAS et maire de Nice, Jacques Médecin. Ces accusations compliquèrent la tâche de Médecin au second tour des élections municipales de 1977.
En 1995, Jacques Peyrat accusa Christian Estrosi, actuel ministre, et ancien champion de moto d'avoir été le complice à moto de Spaggiari. Mais Estrosi parvint à prouver que ce jour là il était engagé dans une course à Daytona.
ÉludeEn son absence, Spaggiari fut condamné à la prison à perpétuité. Il aurait été aperçu en Argentine, où il aurait subi une opération de chirurgie esthétique. C'est probablement dans ce pays qu'il passera le reste de sa vie, revenant de temps en temps en France, sous une fausse identité pour rendre visite à sa mère et à son épouse. Pour la publication de son dernier livre
Le journal d'une truffe, il donna une interview à Bernard Pivot pour son programme télévisé
Apostrophes, ce qui fit grand bruit, surtout qu'il avait été enregistré en France.
En 2000, des documents déclassifiés de la CIA et publiés par la
National Security Archive, prouveront les liens entretenus entre Albert Spaggiari et le régime chilien d'Augusto Pinochet, en particulier avec l'agent de la DINA Michael Townley, responsable de l'assassinat de l'ex-ministre de Salvador Allende, Orlando Letelier, à Washington D.C. en 1976 (accusé d'être impliqué dans le narco-trafic international), ainsi que de celui du général Carlos Prats, à Buenos Aires. Ces complicités avec la junte militaire chilienne, ainsi qu'avec le régime dictatorial d'Argentine expliquent son exil dans ce pays.
Il meurt le 8 juin 1989, à 55 ans, en exil en Italie, après douze années passées à se grimer et à fuir. Pour qu'il soit enterré en France, sa compagne dépose son corps à Hyères (dans le Var) chez sa mère le 10 juin. Il est enterré à Laragne-Montéglin.
Dans son nouvel opus, Christophe Hondelatte nous conte avec une verve étonnante l'incroyable aventure de ce bandit très «médiatique», qui pendant douze ans, aura donné régulièrement de ses nouvelles au public, paradant devant les journalistes et les photographes sous les déguisements et grimages les plus farfelus, sans qu'on puisse jamais lui mettre la main dessus.