06 avril 2006

Otiose

Si à la veille d'un mariage ou d'une communion vous songez sérieusement à faire usage de la fiole de poison cachée au grenier depuis la fin de la guerre, l'équipe de "La blog à deux balles™" a peut-être déniché une solution de fortune. Durant les années 1960, un gallois peu connu, du nom de I.W. Fitzpatrick, conçut l'idée d'un jeu pour deux personnes, qu'il baptisa Otiose (adjectif anglais signifiant en français: sans but aucun, superflu). Voici comment procéder: avant de se rendre à une soirée, réception, ou autre mariage, les deux joueurs se fixent chacun une lettre dans le dictionnaire. Ils disposent ensuite de deux minutes pour trouver cinq mots ou expressions rares que personne (ou presque) n'emploie couramment, et dont eux personnellement n'ont jamais entendu parler. Détail d'une importance capitale: ces mots sont en fait destinés à l'adversaire. Le but du jeu est alors élémentaire: une fois là-bas, les joueurs se révélent discrètement les mots sélectionnés et leur définition. Il s'agit pour les complices d'un soir de placer ces mots naturellement dans l'une ou l'autre conversation avec des tiers, sans que personne ne leur pose de question à ce sujet. Est déclaré vainqueur le premier des deux à avoir placé les cinq mots sans question d'autrui. À l'inverse, si question ou tentative de fraude il y a, la partie est perdue. Dans son unique livre A Dandy's Lullaby (1967), Fitzpatrick se remémore une partie d'Otiose remportée sur le fil au mariage d'un cousin: son frère lui avait dégoté les mots highfalutin, hubris, higgledy-piggledy, howitzer et hullabaloo. Lui-même avait choisi caboodle, calyx, cambric, corgi et cud. L'exotisme des mots et l'inventivité propre à Fitzpatrick devraient convaincre le lecteur de la splendeur de l'extrait succulent dans lequel le gallois retrace le déroulement de la soirée. Tout bonnement prodigieux et hilarant.